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Enlèvement illicite d’enfants

Le 01 mars 2022

Sur la possibilité pour des parents, victimes d’un déplacement illicite de leur enfant, de saisir les juridictions du lieu de sa résidence habituelle, avant son déplacement, pour qu’il soit statué sur le lieu de sa résidence, malgré qu’une procédure visant le retour de celui-ci serait en cours devant les juridictions de l'Etat sur le territoire duquel il a été déplacé.

L’article 16 de la convention de la Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants prévoit que :

« Après avoir été informées du déplacement illicite d'un enfant ou de son non-retour dans le cadre de l'article 3, les autorités judiciaires ou administratives de l'Etat contractant où l'enfant a été déplacé ou retenu ne pourront statuer sur le fond du droit de garde jusqu'à ce qu'il soit établi que les conditions de la présente Convention pour un retour de l'enfant ne sont pas réunies, ou jusqu'à ce qu'une période raisonnable ne se soit écoulée sans qu'une demande en application de la Convention n'ait été faite. »

Sont seules visées par cette disposition les autorités judiciaires ou administratives de l'Etat dans lequel les enfants ont été déplacés.

En  effet, seules celles-ci se voient interdire le droit de statuer sur le fond du droit de garde, et ce jusqu'à ce qu'il soit établi que les conditions de la convention pour un retour de l'enfant ne sont pas réunies.

A l’inverse, aucune interdiction n'est faite, aux termes de l'article 16 de la convention, aux juridictions de l'Etat dans lequel les enfants disposaient de leur résidence habituelle avant leur déplacement illicite.

À cet égard, la Cour de cassation dans un arrêt du 9 juillet 2008 (06-22.091) a rappelé que l'obligation de sursis à statuer ne visait que les juridictions de l'état dans lequel les enfants ont été déplacés illicitement.

Dans cette affaire, les faits étaient les suivants. Une enfant Alésia disposait de sa résidence habituelle à Troyes. Des décisions avaient été rendues par le juge aux affaires familiales de Troyes ayant organisé le droit de visite et d’hébergement du père. La mère avait fait appel de la 3e ordonnance rendue le 19 octobre 2004 ayant élargi les droits de visite et d'hébergement du père. Elle avait interjeté appel de cette décision et, lors de la procédure d'appel, avait déplacé illicitement son enfant au Canada. Le père avait alors initié une nouvelle procédure devant le Juge aux affaires familiales de Troyes qui avait maintenu les dispositions de l'ordonnance du 19 octobre 2004. En appel, la Cour d'appel de Reims avait alors décidé de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure de retour menée devant les juridictions où l’enfant avait été déplacé. La Cour avait, à l’appui de sa décision, évoqué les dispositions de l’article 16 de la convention de La Haye indiquant qu'il ne pouvait être statué sur la garde de l'enfant avant l’issue de la procédure de retour.

Or, la Cour de cassation a cassé son arrêt en notant qu’elle avait violé les dispositions de l'article 16 de la convention de La Haye, l’obligation de sursis à statuer ne visant que l'état où l'enfant avait été déplacé ou retenu illicitement.

« Les articles 3 et 16 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants disposent que dès lors qu'elles ont été informées du déplacement illicite d'un enfant, les autorités judiciaires ou administratives de l'Etat contractant où l'enfant a été déplacé ou retenu ne pourront statuer sur le fond du droit de garde jusqu'à ce qu'il soit établi que les conditions pour un retour de l'enfant ne sont pas réunies ou jusqu'à ce qu'une période raisonnable ne se soit écoulée sans qu'une demande en application de la Convention n'ait été faite. Dès lors, viole ces textes, la cour d'appel du lieu de résidence habituelle de l'enfant qui retient qu'en application de ces dispositions, il convient de surseoir à statuer sur la garde de l'enfant, alors que cette obligation ne vise que l'Etat où l'enfant a été déplacé ou retenu. »
 

Dans une autre affaire (« Iosub Caras v. Romania, Application No. 7198/04, (2008) 47 E.H.R.R. 35 »), la Cour Européenne des droits de l’homme le 27 juillet 2006 a rappelé ce principe. Dans cette affaire, la demande concernait une enfant née en Israël de parents israélo-roumains. En septembre 2001, la famille qui vivait  en Israël était allée rendre visite à la famille de la mère en Roumanie. La mère était restée avec l'enfant. Le père avait initié une procédure de retour de l'enfant auprès des juridictions de Bucarest qui avait rejeté sa demande sur le fondement de l'article 13 alinéa 1 b de la convention. Le 17 décembre 2002, le père exerça un recours contre cette décision qui fut accueilli, la mère n'étant pas parvenue à prouver l'existence d'un risque grave de danger que le retour de l'enfant auprès du père impliquerait. Celle-ci exerça, toutefois, un recours contre cette décision lequel fut accueilli par la cour d'appel de Bucarest le 5 juin 2003 qui refusa d'ordonner le retour au motif qu’une décision de divorce avait été rendue, le 18 septembre 2002, par un tribunal roumain ayant confié à la mère la garde exclusive de l'enfant.

Or, la Cour Européenne des droits de l’homme décida à l'unanimité que la Roumanie avait méconnu les dispositions de la convention de la Haye en ne prenant pas de mesure pour empêcher le prononcé d'une décision au fond dans l'Etat de refuge de l'enfant et en ne traitant pas de la demande de retour avec suffisamment de diligence.

Il ressort de ces décisions que les juridiction du lieu de la résidence habituelle des enfants peut parfaitement statuer pour prendre des mesures relatives à ceux-ci malgré une demande de retour qui aurait été déposée devant les juridictions du lieu où les enfants auraient été déplacés.

 

                                    

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