Enlèvement et déplacement illicite d’enfants
Compétence des juridictions françaises pour statuer sur la résidence d’un enfant enlevé et déplacé illicitement par un des deux parents sans accord de l’autre à l’étranger malgré une décision de non-retour rendue par les juridictions sur le territoire duquel l’enfant a été déplacé
L’arrêt de la Cour de Cassation du 13 décembre 2017 (pourvoi n° 17-23673)
La Cour de Cassation a eu l’occasion de statuer sur la compétence des juridictions françaises en cas d’enlèvement et de déplacement illicite d’un enfant à l’étranger du fait de l’un des deux parents.
les faits étaient les suivants. Deux époux avaient eu deux enfants. La famille vivait en France. La mère avait soudainement quitté le territoire française pour s’installer en Argentine avec les deux enfants.
Le père avait saisi les autorités compétentes en France en vue d’obtenir le retour immédiat des enfants, lesquelles avaient saisi les autorités compétentes en Argentine. Une procédure visant le retour des enfants avait été initiées en Argentine qui n’avait pas donné lieu à une décision favorable au père dans la mesure où les juridictions argentines avaient refusé de faire droit à la demande de retour.
Le père avait saisi les juridictions françaises d’une demande de divorce, de fixation de l’autorité parentale et de la résidence des enfants à son propre domicile avec reconnaissance au profit de la mère d’un droit de visite et d’hébergement.
La Cour d’appel de Paris, saisie de ces demandes, avait fixé la résidence des enfants au domicile du père en considérant que leur résidence habituelle était fixée en France avant que la mère ne les déplace sans autorisation du père.
La mère a fait un pourvoi en cassation contre la décision de la Cour d’appel.
Dans le cadre de son pourvoi, elle a développé deux moyens, le premier visant à contester la compétence des juridictions françaises pour statuer sur la résidence des enfants au motif qu’au moment où la Cour avait statué, leur résidence était en Argentine, le second visant à contester la fixation de la résidence chez le père comme étant intervenue au mépris des dispositions de l’article 373-2 du Code Civil.
Or, sur ces deux moyens, la décision de la Cour de Cassation a été la suivante.
- Sur la compétence des juridictions françaises pour statuer sur l’autorité parentale et la résidence des enfants déplacés illicitement à l’étranger
« attendu, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 du règlement (CE) n° 2201/ 2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/ 2000, dit règlement Bruxelles II bis, les juridictions d'un Etat membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l'égard d'un enfant qui réside habituellement dans cet Etat membre au moment où la juridiction est saisie ;
Attendu, en second lieu, qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt du 2 avril 2009, A, C-523/ 07, arrêt du 22 décembre 2010, Mercredi, C-497/ 10 PPU, arrêt du 9 octobre 2014, C, C-376/ 14 PPU) que la résidence habituelle de l'enfant doit être établie en considération de facteurs susceptibles de faire apparaître que la présence physique de l'enfant dans un Etat membre n'a nullement un caractère temporaire ou occasionnel et correspond au lieu qui traduit une certaine intégration dans un environnement social et familial ; (…)
Attendu que l'arrêt relève qu'au moment de la requête en divorce déposée par Mme X..., le 15 janvier 2010, les enfants résidaient dans l'appartement que les parents avaient acquis en 2002 à Vincennes, ville où Z...était régulièrement scolarisé et où A..., qui venait de naître, avait déjà une place en crèche réservée ;
qu'il ajoute que les enfants disposaient de l'essentiel de leurs effets personnels, dont leurs vêtements, dans cet appartement et non en Argentine, où ils ne résidaient que depuis deux mois ;
qu'il retient que l'ensemble des procédures initiées, dont la procédure engagée par M. Y...auprès des autorités argentine pour déplacement illicite de ses enfants, démontrent que les conditions de leur départ et de leur non-retour ont été conflictuelles dès le début de la procédure de divorce, de sorte que Mme X...ne peut soutenir que la résidence habituelle des enfants aurait été transférée d'un commun accord entre les parties ;
qu'ayant procédé à la recherche prétendument omise, sans statuer par des motifs hypothétiques ni méconnaître l'autorité de la chose jugée attachée aux décisions des juridictions argentines, qui n'étaient pas saisies au fond des modalités d'exercice de l'autorité parentale, la cour d'appel en a déduit que la présence habituelle des enfants sur le territoire français au jour de la requête en divorce, ainsi que la régularité de leur vie sociale et son organisation programmée sur le sol français rendaient le juge français compétent pour statuer sur les demandes relatives à la responsabilité parentale ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision. »
Ainsi, dans son arrêt, la Cour de Cassation a pris en considération la résidence habituelle des enfants en France avant leur déplacement illicite pour estimer que les juridictions françaises étaient compétentes pour statuer sur la fixation de leur résidence et sur toutes autres mesures conformes à leurs intérêts.
- En ce qui concerne le second moyen soulevé par la mère qui contestait la décision rendue au fond par les juridictions françaises ayant fixé la résidence des enfants au domicile du père, la Cour de Cassation a évoqué :
« Mais attendu que l'arrêt relève que, depuis le départ de Mme X...et des enfants pour Buenos Aires, le 1er novembre 2009, ces derniers ne sont plus revenus en France, malgré les décisions successives des juridictions ayant fixé leur résidence en France, auprès de leur père ;
qu'il énonce que, contrairement à l'affirmation de Mme X..., aucun accord du père pour une installation pérenne en Argentine n'a été exprimé ni acquis ;
qu'il constate que la situation des enfants est inquiétante, ceux-ci présentant des troubles cognitifs et de comportement qui font l'objet d'une prise en charge en Argentine;
qu'il ajoute que Mme X...n'a jamais informé le père de ses changements d'adresse successifs et qu'une décision d'une juridiction argentine du 25 février 2016 a dû lui rappeler que l'obstruction d'information quant aux suivis médicaux des enfants devait cesser ;
qu'il en conclut que, depuis son départ en Argentine, Mme X...n'a jamais respecté le caractère conjoint de l'exercice de l'autorité parentale et que son comportement, qui ne repose que sur le conflit des époux et la négation de la place du père, porte gravement atteinte aux droits des enfants d'entretenir des relations personnelles avec le parent dont ils sont séparés ; que la cour d'appel, qui a statué en considération de l'intérêt des enfants, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, a ainsi légalement justifié sa décision ; »
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