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LOI DU 1er SEPTEMBRE 1948 - HEBERGEMENT DE TIERS - SOUS-LOCATION INTERDITE - Analyse de la jurisprudence de la Cour de Cassation

Le 27 juin 2013

L'article 78 de la loi du 1er septembre 1948 dispose qu'à "dater de la publication de la présente loi, par dérogation à l'article 1717 du code civil, le preneur n'a le droit ni de sous-louer, ni de céder son bail, sauf clause contraire du bail ou accord du bailleur. (...)"

 

En application de ce texte, la jurisprudence précise que, dès lors que la sous-location est établie, la sanction applicable est la résiliation du bail et, le cas échéant, la déchéance du droit au maintien dans les lieux. Se pose la question de savoir si l'hébergement d'un tiers dans le logement soumis à la loi du 1er septembre 1948 est assimilable à une sous-location interdite.

 

1) Selon la Cour de Cassation, le critère de la sous-location interdite réside dans l'existence d'une contrepartie consentie par le bénéficiaire, qui consiste souvent dans le versement du loyer ou d'une partie du loyer.

 

Cour de cassation - 3ème chambre civile - 11 octobre 1989 - N° de pourvoi: 88-11593

 

"Attendu que M. Z..., fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande en déchéance du droit au maintien dans les lieux pour sous-location irrégulière, (...)

 

Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'occupation de la chambre de service par un ami du fils de la locataire était un simple hébergement sans contrepartie ne pouvant être assimilé à une sous-location, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision."

 

La contrepartie peut ne pas être financière. Elle a été retenue dans le cas d'un travail effectué par le bénéficiaire au profit du locataire et/ou d'une participation aux charges locatives (Cour d'Appel Paris 6ème chambre B - 22 novembre 2005)

 

Cour de Cassation, 3ème chambre, 17 mars 1975 - n° de pourvoi 74-20031 :

 

"La mise du local à la disposition des époux Y... avait pour contrepartie des prestations en nature et devait être regardée comme une véritable sous-location (...)"

 

 

2) En application de ce critère de la "contrepartie", un hébergement gratuit ne devrait pas poser de difficulté. Il convient toutefois de distinguer l'hébergement familial de l'hébergement de tiers à la famille du locataire.

 

L'hébergement familial

 

Lorsqu'il s'agit d'héberger des membres de sa famille, sans contrepartie, la Cour de Cassation est stricte. Cet hébergement n'entre pas dans les prévisions de l'article 78 de la loi du 1er septembre 1948.

 

Cassation Civile. 3ème, 14 décembre 1994, Bull. n° 210.

 

"Attendu que la ville de Paris a donné à bail à Mme Y..., un logement (...); que Mmes X..., petites-filles de la locataire, ayant séjourné chez elle, la bailleresse lui a délivré congé (...) pour sous-location irrégulière et l'a assignée, ainsi que ses petits-enfants, pour ordonner leur expulsion ; Attendu que la ville de Paris fait grief à l'arrêt de refuser de déclarer le congé valable, alors, selon le moyen, 1° que le fait pour le preneur de mettre le local à la disposition d'un tiers, fût-ce gratuitement, constitue une sous-location prohibée ;

 

Mais attendu qu'ayant constaté que Mme Y... et ses petites-filles avaient cohabité quelques années et retenu, à bon droit, que l'hébergement familial de ces dernières ne constituait pas une sous-location prohibée, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision "

 

Le droit du locataire à héberger des membres de sa famille est même reconnu en présence d'une clause du bail lui faisant interdiction d’héberger des tiers (Cassation Civile 3ème, 6 mars 1996, Bull. n°60). A cet égard, la Cour suprême se fonde sur les dispositions de l’article 8-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales prévoyant que toute personne a le droit au respect de sa vie privée et de son domicile.

 

L'hébergement de tiers

 

En revanche, lorsque l'hébergement concerne des tiers, les clauses du bail sont déterminantes.Lorsque le bail comporte une clause interdisant formellement la sous-location, même gratuite, la Cour de Cassation évoque, en présence d'un hébergement régulier de tiers, un manquement grave du locataire à ses obligations.

 

Dans un arrêt du 26 octobre 2011, la Cour de Cassation a ainsi évoqué un hébergement régulier de tiers, en présence d'une clause prohibant formellement la sous-location même gracieuse, constituant une infraction grave aux clauses du bail justifiant la déchéance du locataire de son droit au maintien dans les lieux.

 

Dans cet arrêt, les faits étaient les suivants. Plusieurs personnes étaient hébergées par le locataire sans que la moindre contrepartie versée par ces derniers n'ait été prouvée. Un huissier s'était rendu sur place et avait constaté, outre l'absence du locataire en titre, la présence d'une tierce personne et de nombreux documents évoquant l'hébergement de plusieurs personnes dans le logement (papiers d'identité, bulletins de paie, extraits de comptes etc.)Cette affaire était venue en contentieux. La cour d'appel avait prononcé la déchéance du locataire de son droit à se maintenir dans les lieux. Ce dernier s'est pourvu en cassation.

 

Or la Cour de Cassation, dans son arrêt, a considéré que la déchéance du locataire à se maintenir dans les lieux était justifiée compte tenu de la clause du bail lui faisant interdiction formelle de sous-louer les lieux même gratuitement. Il convient de noter que, dans son arrêt, la Cour de Cassation n'a pas évoqué les dispositions de l'article 78 de la loi du 1er septembre 1948 mais celles de l'article 4 de cette loi énonçant que les occupants de bonne foi bénéficient de plein droit du maintien dans les lieux loués aux clauses et conditions du contrat.

 

Dans cet arrêt, la Cour de Cassation a considéré que l'occupant n'était pas de bonne foi.

 

Cour de Cassation 26 octobre 2011 - N° de pourvoi: 10-16694) :

 

"Mais attendu qu'ayant relevé, à bon droit, (...)que le contrat de bail stipulait que le preneur s'obligeait à occuper les lieux personnellement, avec interdiction formelle de " sous-louer ", même gratuitement, et retenu qu'il résultait du constat d'huissier que d'autres personnes que M. X... occupaient l'appartement et y recevaient régulièrement leur courrier, la cour d'appel, qui a pu, sans violation de l'article 8. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il n'était pas allégué que ces personnes fussent des proches, en déduire que M. X... hébergeait chez lui de manière régulière des tiers et que cet hébergement, même pendant ses séjours en France, était en contradiction avec les termes du bail, a souverainement jugé que le manquement était suffisamment sérieux et grave pour caractériser la mauvaise foi de l'occupant et justifier sa déchéance du droit au maintien dans les lieux ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;"

 

Ceci étant, en l'absence d'une telle clause faisant interdiction formelle au locataire de sous louer même gratuitement les lieux, l'hébergement gratuit de tiers ne doit pas poser de difficultés au regard de la jurisprudence de la Cour de Cassation résultant des arrêts suivants dénués de toute ambiguïté.

 

Dans un arrêt du 14 novembre 2002, la Cour de Cassation a considéré que ne caractérisait pas l'existence d'une sous-location interdite, l'hébergement d'un tiers, même prolongé, sans contrepartie financière.

 

Cour de cassation 14 novembre 2002 - 3ème chambre civile - N° pourvoi 01-12558 :

 

"Vu l'article 78 de la loi du 1er septembre 1948 ;

 

Attendu que l'Union des assurances de Paris, qui avait donné à bail des locaux d'habitation à M. Roger X... décédé en 1973, a assigné son petit fils, en déchéance du droit au maintien dans les lieux en alléguant l'hébergement de plusieurs personnes dans l'appartement soumis aux dispositions générales de la loi du 1er septembre 1948 ;

 

Attendu que pour accueillir la demande, l'arrêt retient que la longueur de l'hébergement de certaines des personnes, la fermeture à clé des chambres mises à leur disposition, l'installation de lignes téléphoniques avec les factures à payer par les occupants et la présence, dans l'une des chambres, d'une cuisine complète et une ligne téléphonique démontrent que la prétendue mise à disposition gracieuse des lieux l'était en réalité avec une contrepartie non négligeable constituant des sous-locations ; Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser l'existence d'une contrepartie, la Cour d'Appel n'a pas donné de base légale ;"

 

Cour de cassation 29 avril 1997 - 3ème chambre civile - N° de pourvoi: 95-16721

 

"Attendu que les consorts Z... ont demandé la résiliation du bail consenti à Mlle D... soumis à la loi du 1er septembre 1948, en alléguant que la présence dans les lieux de Mlle C... constituait une sous-location prohibée ;

 

Attendu que, pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que l'usage gratuit et prolongé d'un tiers étranger à la famille du preneur, même si celle-ci est sa filleule, sans l'autorisation du bailleur, constitue une infraction aux dispositions de l'article 78 de la loi du 1er septembre 1948, mais aussi aux dispositions contractuelles interdisant au preneur de sous-louer et lui imposant d'habiter les lieux par lui-même et sa famille ;

 

Qu'en statuant ainsi, sans constater l'existence d'une contrepartie à l'occupation de l'appartement par Mlle C..., la cour d'appel a violé les textes susvisés".

 

Maître Dominique Ponté

Avocat au Barreau de Paris

 

 

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