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Aménagement de caves en lots d'habitation

Le 08 septembre 2015

 

Aménagement de caves en lots d'habitation


Vous êtes propriétaire d'une cave que vous avez aménagée en lots d'habitation. Vous souhaitez savoir dans quelle mesure le syndicat des copropriétaires peut contester le changement de destination de votre cave.

 

L'article 8 de la loi du 10 juillet 1965 dispose :

 

"I. - Un règlement conventionnel de copropriété, incluant ou non l'état descriptif de division, détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance ; il fixe également, sous réserve des dispositions de la présente loi, les règles relatives à l'administration des parties communes.

 

Le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation. (...)

 

Il ressort de ces dispositions que tout copropriétaire doit pouvoir disposer en toute liberté de ses parties privatives, tout comme il doit pouvoir en user et en jouir librement. Les seules limites susceptibles de restreindre ses droits sont celles imposées, d'une part, par le respect nécessaire des droits des autres copropriétaires et, d'autre part, par la destination de l'immeuble.

 

Conformément à l'article 8 de la loi de 1965, la destination de l'immeuble est définie essentiellement par le règlement de copropriété et l'état descriptif de division.

 

L'examen de la jurisprudence révèle que les restrictions aux droits des copropriétaires en ce domaine sont plus importantes dans les copropriétés dont le règlement de copropriété est dotée d'une clause d'habitation bourgeoise stricte que dans les copropriétés dont le règlement de copropriété vise une destination mixte.

 

Pour les immeubles à usage mixte d'habitation et de commerce

 

Dans un arrêt du 21 octobre 1992, (Loyer et copropriété 1993 n°34), la Cour de Cassation a autorisé l'exploitation commerciale d'une cave en notant que le règlement de copropriété n'interdisait pas une telle affectation et que le syndicat des copropriétaires n'établissait pas que l'activité litigieuse soit source de nuisances.

 

"Attendu que la cour d'appel, qui n'avait pas à se référer aux énonciations de l'état descriptif de division et qui a relevé que l'immeuble étant à usage mixte d'habitation et de commerce, le règlement de copropriété n'interdisait pas l'affectation à usage commercial de locaux utilisés bourgeoisement, a, appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, constaté qu'une activité commerciale dans une cave n'était pas contraire à la destination de l'immeuble et que le syndicat des copropriétaires n'établissait pas l'existence de nuisances sonores pendant la nuit ;


D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;"

 

Une décision semblable a été rendue par la Cour d'appel de Paris le 10 mars 2010 (loyers et copropriété 2010 n° 298) à propos de l'aménagement d'une cave, annexe d'un local commercial à usage de brasserie-restaurant, en salle de restaurant dans un immeuble à destination mixte dans les étages et commerciale au rez-de-chaussée.

 

Dans un arrêt du 2 juin 1992, la Cour d'appel de Paris a précisé, à propos, des aménagements suivants (création d'un escalier intérieur, transformationdes locaux accessoires en sous-sol compris dans le lot qualifié de cave et soute à charbon),que le copropriétaire disposait du droit d'y procéder "sous la double condition du respect des droits des autres copropriétaires et de l'obtention de l'autorisation de la copropriété pour l'exécution des travaux affectant les parties communes et l'aspect extérieur de l'immeuble".

 

S'agissant de la destination de l'immeuble, la Cour a mentionné qu'il ressortait des circonstances suivantes ("existence dans l'immeuble d'un cabinet dentaire, indication expresse donnée dans le règlement de copropriété que « pour les professions libérales ou commerciales, il sera toléré une petite plaque sur les embrasures de la porte d'entrée de l'immeuble») que la destination de l'immeuble était "indiscutablement" à usage mixte. Elle a considéré, au regard de cette destination, que :


"Les copropriétaires, qui ne versent par ailleurs aux débats aucun élément ou document de nature à établir que la destination de l'immeuble telle qu'elle a été fixée au départ se serait modifiée en fonction de l'évolution du quartier, ne démontrent en aucune manière, en quoi la diversification de ses activités professionnelles par le défendeur à l'intérieur de ses parties privatives serait contraire à cette destination, l'aurait modifiée ou même seulement remise en question."

 

A propos de l'aménagement d'une remise dans un immeuble à destination mixte, la Cour d'appel de Paris a indiqué dans un arrêt du 17 novembre 2010 (n°09.13480) :

 

" qu'en l'absence de stipulations particulières dans le règlement de copropriété, la dénomination de débarras donné à un lot de copropriété n'empêche pas de l'affecter à un autre usage à la condition que ce changement d'affectation soit conforme à la destination de l'immeuble et ne nuise pas aux droits des autres copropriétaires ; qu'en l'espèce, il s'agit d'un immeuble partiellement à usage d'habitation, aucun élément ne permettant d'établir qu'une telle affectation puisse nuire aux droits des autres copropriétaires ; (...)"

 

Pour les immeubles à usage mixte professionnel, de bureau et d'habitation, la Cour de Cassation a dans un arrêt du 10 décembre 1986, rendu à propos de l'aménagement de locaux désignés comme étant des «greniers» dans l'état descriptif de division, (10 décembre 1986 Bull. civ. III, no 180) indiqué :

 

"Vu l'article 8, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 ;


Attendu que, pour accueillir les demandes de remise en état des lieux et en dommages-intérêts pour moins-value, l'arrêt retient que, selon l'acte de vente et le règlement de copropriété, les parties privatives du lot sont constituées par un grenier ;


Qu'en statuant ainsi, sans rechercher en quoi la destination de l'immeuble à usage professionnel, d'habitation et de bureaux interdisait l'aménagement du grenier en un appartement d'habitation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;"

 

Pour les immeubles à usage exclusif d'habitation

 

En revanche, s'agissant des immeubles à usage strict d'habitation, la tendance des tribunaux est de se référer à l'affectation des lots telle qu'elle est visée dans le règlement de copropriété.

 

Dans un arrêt du 12 juillet 1995, la Cour de Cassation a noté (12 juillet 1995 n° 93-12.508) :


"Ayant relevé l'affectation, d'une manière précise, des lots comme emplacements de voitures par le règlement de copropriété qui désigne l'immeuble comme étant à usage principal d'habitation, une cour d'appel peut retenir souverainement que cette affectation ne saurait être modifiée sans porter atteinte à la destination qui lui a été donnée."

 

Dans un arrêt du 3 juillet 1996, la Cour de cassation (3ème chambre civile n° 94-18.167) a, pour confirmer la décision d'une cour d'appel qui avait interdit l'aménagement d'une cave en atelier, rappelé que "si la désignation du lot par le règlement de copropriété ne saurait revêtir un caractère absolu et s'opposer à toute modification de l'usage des parties privatives", la restriction prévue par le règlement de copropriété était justifiée par la destination de l'immeuble telle que définie par les documents contractuels, les caractéristiques et la situation de l'immeuble.

 

Dans ce cas d'espèce, la Cour avait relevé, en ce qui concerne les circonstances de fait, que :

 

" le règlement de copropriété énonçait que le lot n° 95 était désigné comme cave, qu'il stipulait que les locaux ne pourraient être occupés et habités que bourgeoisement, que l'exercice d'une activité artisanale était interdite,

 

(...) le local situé en sous-sol, au centre d'une cour commune à l'écart des bâtiments à usage d'habitation, faisait l'objet d'une interdiction administrative d'habiter de jour comme de nuit,

 

que les caves ne pouvaient être données à bail qu'aux personnes propriétaires ou locataires de parties de l'immeuble, ce qui impliquait pour les lots constitués de cave l'existence d'une restriction au droit de louer non imposée aux titulaires des lots à usage d'habitation

 

(...) les caractéristiques physiques du lot étaient incompatibles avec les conditions minimales d'hygiène et de confort auxquelles doit répondre un local à usage d'habitation dans un immeuble à destination essentiellement bourgeoise"

 

Au vu de ces circonstances, elle a considéré que "la restriction prévue par le règlement de copropriété était justifiée par la destination de l'immeuble telle que définie par les documents contractuels, les caractéristiques et la situation de l'immeuble;"

 

 

Le cas des caves constituant l'annexe d'un commerce

 

Dans un arrêt du 15 janvier 1997, la Cour de Cassation a autorisé le propriétaire d'un restaurant à installer une cuisine dans une cave en considérant qu'elle constituait une annexe du commerce.

 

"Attendu que le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt d'annuler la décision de l'assemblée générale refusant à la SCI l'autorisation de faire réaliser au sous-sol des travaux de transformationd'une cave en cuisine, alors, selon le moyen, "1°) que le règlement de copropriété autorise l'exercice des activités professionnelles et commerciales exclusivement au rez-de-chaussée de l'immeuble, si bien qu'en jugeant la SCI Fraca fondée à transformer la cave du sous-sol de l'immeuble en cuisine de son restaurant en contradiction flagrante avec la destination de l'immeuble, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil; 2°) que, selon l'état descriptif de division de l'immeuble, les caves ne font nullement l'objet d'un lot distinct de celui appartenant à la SCI Fraca et ne sauraient, en raison de leur nature et de leur consistance, être affectées à un usage d'habitation ou considérés comme une annexe d'un local commercial, si bien qu'en appréciant exclusivement la destinationprofessionnelle du lot n° 20, sans prendre en considération son caractère mixte, la cour d'appel a violé les articles 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965; 3°) que les constatations de l'arrêt font apparaître clairement l'existence de nuisances liées aux odeurs et au bruit, formellement prohibées par le règlement de copropriété, causées par l'exploitation d'une cuisine au sous-sol de l'immeuble, et aussi la nécessité d'aménager des installations propres à la sécurité des personnes, si bien qu'en statuant comme elle l'a fait sans préciser les conditions dans lesquelles la SCI Fraca allait respecter ces impératifs de salubrité et de sécurité des personnes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil et des articles 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965";


Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que la cave, faisant partie intégrante du lot de la SCI, constituait l'annexe du commerce exploité au rez-de-chaussée conformément à la destination de l'immeuble et retenu que les nuisances susceptibles de découler de l'installation d'une cuisine au sous-sol n'étaient ni avérées, ni inéluctables et qu'il pourrait y être remédié le cas échéant par des équipements appropriés ou des précautions élémentaires, la cour d'appel en a exactement déduit, sans dénaturation, qu'il ne pouvait être imposé à la SCI aucune restriction à ses droits de libre utilisation des parties privatives de son lot en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble et que la décision de refus de l'assemblée générale devait être annulée.


D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

 

Par ailleurs, dans un arrêt du 27 novembre 2013, la Cour d'appel Paris (n° 11/08687) a autorisé les travaux de transformation d'une annexe aménageable de manière à la rendre habitable.

 

"Sur le bien fondé de la demande de remise en état du lot n° 120 à usage d'annexe

 

(...) En effet, par application de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, aucune restriction ne peut être apportée aux droits de jouissance d'un copropriétaire sur ses parties privatives, à la seule condition qu'il ne porte pas atteinte à la destination de l'immeuble ou aux droits des autres copropriétaires, notamment quant aux parties communes, d'où il suit que l'assemblée générale des copropriétaires n'avait pas à donner son autorisation préalable aux travaux de transformation de l'annexe à usage d'habitation ; "

 

Maître Dominique Ponté

Avocat

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