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Article 5 de la LOI DE 1948 : la transmission du bail aux DESCENDANTS MAJEURS - Non rétroactivité de la loi nouvelle - Possibilité au regard de la date du décès du locataire en titre d'évoquer la transmission du bail

Le 11 janvier 2013

 

 

I - LE DROIT APPLICABLE

 


L'article 5 de la loi du 1er septembre 1948 a subi plusieurs modifications législatives. S'agissant des descendants majeurs, ceux-ci ne peuvent plus, depuis la loi du 23 décembre 1986, revendiquer le droit au maintien dans les lieux en cas de décès de leur auteur avec lequel ils vivaient, que ce dernier ait été ou non, personnellement, titulaire du bail.


LA DISTINCTION ESSENTIELLE SUR LE TERRAIN DE LA LOI DE 1948 ENTRE LA NOTION D'OCCUPANT ET DE LOCATAIRE

Il convient, à titre préalable, de préciser la distinction qu'il convient d'opérer, sous l'empire de la loi du 1er septembre 1948, entre la notion d'occupant et celle de locataire.

Le locataire est celui, qui dispose d'un contrat de location, portant mention de son nom et de sa signature. S'agissant de l'occupant, il occupe le logement sans être titulaire d'un bail en cours ou établi à son nom. Il peut s'agir d'une personne, qui continue de demeurer dans les lieux après la résiliation de son bail encourue par la délivrance d'un congé.

Il sera examiné l'incidence de cette distinction au paragraphe C.


SUR LA NON RETROACTIVITE DES LOIS AYANT MODIFIE LA VERSION INITIALE DE L'ARTICLE 5 DE LA LOI DU 1ER SEPTEMBRE 1948

L'article 2 du Code Civil dispose que "la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif“.

Il ressort de ce texte qu'une loi n'a vocation à s'appliquer qu'aux situations juridiques nées postérieurement à son entrée en vigueur. Il n'en va autrement que si la loi nouvelle mentionne expressément sa rétroactivité, ce qui n'est pas le cas pour l'article 5 de la loi de 1948.

S'agissant de l'article 5 ayant donné lieu à plusieurs modifications législatives, ces modifications ne sont applicables qu'aux situations juridiques nées postérieurement à leur entrée en vigueur, lesquelles situations sont déterminées par la date de survenance du décès de l'occupant ou du locataire en titre.

LES DIFFERENTES VERSIONS DE L'ARTICLE 5 ET LES CONSEQUENCES QUI EN DECOULENT POUR LES DESCENDANTS


1) LA VERSION INITIALE visant le bénéfice du maintien dans les lieux aux descendants majeurs

 

Droit au maintien dans les lieux

Dans sa version initiale, l'article 5 de la loi de 1948 prévoyait que le bénéfice au maintien dans les lieux appartenait, en cas d'abandon de domicile ou de décès de l'occupant de bonne foi, à son conjoint, ses ascendants, descendants, et à toutes personnes à charge qui vivaient effectivement avec lui depuis plus d'un an. Ce texte prévoyait :

 

"I. - Le bénéfice du maintien dans les lieux, pour les locaux visés à l'article 1er, appartient, en cas d'abandon de domicile ou de décès de l'occupant au conjoint, ascendants, descendants, ou personnes à charge qui vivaient effectivement avec lui depuis plus d'un an.

 II. - Nonobstant les dispositions du I ci-dessus, le maintien dans les lieux reste acquis aux personnes qui en bénéficient antérieurement à la publication de la présente loi."

 Ainsi, sous l'empire de ce texte, il était possible pour les descendants majeurs de l'occupant du logement de revendiquer le bénéfice au maintien dans les lieux, après le décès de ce dernier.

 

Transmission du bail

Il était également possible pour des descendants, sous l'empire de cette première version de l'article 5, d'évoquer la transmission du bail à leur profit lorsque leur auteur, décédé, disposait d'un contrat de bail en cours au jour de son décès.

L'article 1742 du Code Civil prévoit ainsi que le contrat de louage n'est point résolu par la mort du bailleur, ni par celle du preneur. En application de ce texte, la jurisprudence précisait, sur le terrain de la loi de 1948, qu'en cas de décès du preneur, le contrat de bail continuait de produire ses effets auprès de ses héritiers. (Cassation civile troisième chambre 26 juin 1996 : Bull Civ III n° 155.)

 

 

2) LA VERSION RESULTANT DE L'ARTICLE 27 DE LA LOI 86-1290 DU 23 DECEMBRE 1986 AU 16 JUILLET 2006

 

Suppression du droit au maintien dans les lieux

L'article 27 de la loi du 23 décembre 1986 a supprimé de la liste des bénéficiaires au droit au maintien dans les lieux les descendants majeurs. Cet article portant modification de l'article 5 prévoit ainsi :

 

"I. - Le bénéfice du maintien dans les lieux pour les locaux visés à l'article premier appartient, en cas d'abandon de domicile ou de décès du locataire ou de l'occupant de bonne foi, au conjoint, et lorsqu'ils vivaient effectivement avec lui depuis plus d'un an, aux ascendants, aux personnes handicapées visées au 2° de l'article 27 ainsi que, jusqu'à leur majorité, aux enfants mineurs.

II. - Nonobstant les dispositions du I ci-dessus, le maintien dans les lieux reste acquis aux personnes qui en bénéficiaient antérieurement à la publication de la présente loi."

Les descendants ne peuvent donc plus se prévaloir du droit au maintien dans les lieux si le décès de leur auteur est survenu après l'entrée en vigueur de la loi, à savoir postérieurement au 23 décembre 1986.

 

Absence de rétroactivité de l'article 27

Toutefois, au regard de la non rétroactivité de la loi de 1986, l'article 27, et donc la version de l'article 5 de la loi de 1948 résultant de ce texte, n'est pas applicable aux situations juridiques nées avant son entrée en vigueur, soit aux situations résultant du décès de l'occupant ou du locataire survenu avant le 23 décembre 1986.

 

Transmission du bail

Par ailleurs, l'article 27 de la loi de 1986 n'exclut pas l'application de l'article 1742 du Code Civil. Il en résulte la possibilité pour les descendants, lorsque leur auteur était titulaire d'un titre (bail en cours), au jour de son décès, d'évoquer la transmission de ce bail à leur profit dans le cadre de la dévolution successorale.

 

Cour de Cassation - 3ème chambre civile - 23 juin 1998, pourvoi n° 96-21872

Dans cet arrêt, les faits étaient les suivants : un bail, loi de 1948, avait été souscrit au nom d'un couple marié. Le mari était décédé en 1969, son épouse en 1993. Tous deux avaient vécu avec leur fils. Les propriétaires du logement avait assigné ce dernier en expulsion.La Cour d'Appel saisie de ce litige a fait droit aux demandes du bailleur. Le défendeur s'est alors pourvu en cassation.

Or, dans son arrêt, la Cour suprême a cassé l'arrêt de la Cour d'appel en considérant qu'il aurait convenu que celle-ci recherche si, à la date du décès du père, soit en 1969, son fils ne disposait pas de la qualité de locataire.

 

"Sur le moyen unique :

Vu l'article 1742 du Code civil ;

Attendu que le contrat de louage n'est point résolu par la mort du bailleur, ni par celle du locataire ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 octobre 1996), que M. Louis B..., locataire depuis 1922 d'un appartement, propriété de MM. X... et Z..., est décédé le 6 février 1969; qu'un congé a été délivré le 26 avril 1984 en application de l'article 4 de la loi du 1er septembre 1948 à "M. Louis B... et à Mme B... en tant que de besoin" et que Mme B... est décédée le 25 avril 1993;

Que les propriétaires ont assigné M. René B..., fils de M. et Mme A... Y..., pour faire constater son occupation des lieux sans droit ni titre, ordonner son expulsion et fixer l'indemnité d'occupation ;

Attendu que pour accueillir ces demandes, l'arrêt retient que le décès de Mme B... n'a pu conférer à M. René B... le bénéfice du droit au maintien dans les lieux prévu à l'article 5 de la loi du 1er septembre 1948, dès lors que ce décès se situe postérieurement à la réforme opérée par la loi du 23 décembre 1986,

Que M. René B... ne peut soutenir avoir acquis le droit au maintien dans les lieux au jour de la délivrance du congé, la bénéficiaire exclusive de ce droit étant sa mère, et qu'il n'occupait à cette date qu'en vertu des droits de celle-ci, cotitulaire du bail ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si M. René B... n'était pas lui-même, à la date du congé, locataire en sa qualité d'héritier du locataire décédé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;"

 

Cour de cassation chambre civile 3 - 16 juin 2011 N° de pourvoi: 10-16121

Dans un autre arrêt rendu le 16 juin 2011, la Cour de Cassation a indiqué, à propos de la transmission d'un contrat de bail souscrit sous l'empire de la loi du 1er septembre 1948 avec un locataire décédé le 19 décembre 1994, que la transmission de ce bail devait être ordonnée en dehors de toutes conditions particulières.

 

"Sur le moyen unique :

 Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 février 2010), que le 23 janvier 1934, la Société anonyme de gestion immobilière, dite SAGI, aux droits de laquelle se trouve la société Paris habitat OPH, a donné à bail un appartement à M. Henri Antoine Y... qui est décédé le 19 décembre 1994 ; que le 16 juillet 2007, la bailleresse a délivré à Mme X..., veuve de ce dernier, un congé avec dénégation du droit au maintien dans les lieux, puis, par acte des 13 et 14 novembre 2007, l'a assignée ainsi que son fils, M. Jean-Antoine Y..., aux fins de faire déclarer ce congé valable ;

 Attendu que la société Paris habitat OPH fait grief à l'arrêt de dire la procédure d'expulsion engagée contre Mme X... inopposable à M. Y..., héritier du bail de son père, alors, selon le moyen :

 1°/ qu'en application des dispositions d'ordre public résultant de l'article 14 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, applicables aux logements HLM, la partie qui vient au droit de ses parents ne peut revendiquer la transmission du droit au bail que s'il établit qu'il demeurait au domicile de son parent l'année précédant le décès ; qu'en décidant que le bail dont son père était précédemment titulaire avait été transmis de plein droit, au décès de son père, à M. Y..., sans qu'aucune condition ne fût requise, les juges du fond ont violé les articles 6 du code civil, 2, 14 et 40 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ;

 (...)

 Mais attendu qu'ayant justement relevé que, faute d'avoir reçu le congé prévu à l'article 4 de la loi du 1er septembre 1948, M. Henri Antoine Y... était locataire au moment de son décès et non occupant des lieux, la cour d'appel en a exactement déduit que le droit au bail avait été transmis à son fils par voie successorale et, s'agissant d'un bail soumis aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948, a retenu, à bon droit, que cette dévolution n'était soumise à aucune condition particulière ;"

 

Dans cet arrêt, la Cour a opéré une distinction entre la notion d'occupant et celle de locataire. Elle a considéré que le bail signé avec Monsieur Henri Antoine Y avait été transmis en 1994 à son fils.

 

Cour de Cassation - Chambre Civile 3 - 24 mai 2000 N° de pourvoi: 98-19336 :

 Dans un arrêt du 24 mai 2000, la Cour de Cassation a une nouvelle fois établi cette distinction entre la notion d'occupant et de locataire dans le cas d'un décès du locataire survenu lors de l'application de la loi de 1986, à savoir sur toute la période allant de 1986 à 2006, date d'entrée en vigueur de la dernière version de l'article 5.

 

Dans cet arrêt, le locataire décédé disposait d'un contrat de bail en cours au jour de son décès. Le bailleur avait assigné son fils, qui avait vécu avec son père pendant plus d'un an. Il l'a assigné en évoquant les dispositions de l'article 5 de la loi de 1948, résultant de l'article 27 de loi de 1986 duquel il ressort que le bénéfice au maintien dans les lieux ne peut plus être évoqué par les descendants majeurs.

 

La Cour de Cassation a cassé cet arrêt en indiquant que le locataire décédé ne s'était jamais vu délivrer de congé. Il disposait donc d'un bail en cours au moment de son décès qu'il avait pu se transmettre à son héritier. Dans cet arrêt, la Cour de Cassation a expressément fait référence aux dispositions de l'article 1742 du Code civil.

 

"Vu l'article 1742 du Code civil, ensemble les articles 4 et 5 de la loi du 1er septembre 1948 ;

 Attendu que le contrat de louage n'est point résolu par la mort du bailleur, ni par celle du preneur ;

 Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 juin 1998) que la société SAGI, propriétaire d'un appartement donné à bail à Mme Y... dans lequel cette dernière vivait avec son fils majeur M. X..., a assigné ce dernier, après le décès de la locataire, pour le faire déclarer occupant sans titre et ordonner son expulsion ; que la SAGI, ayant par la suite délivré congé à M. X... en lui déniant tout droit au maintien dans les lieux, a demandé que ce congé soit déclaré valable ;

 Attendu que, pour accueillir ces demandes, l'arrêt retient que depuis l'entrée en vigueur de l'article 27 de la loi du 23 décembre 1986, le descendant majeur qui vivait avec le locataire au moment de son décès n'a plus droit au bénéfice du maintien dans les lieux et que M. X... est donc titulaire d'un bail auquel il peut être mis fin par un congé de droit commun ;

 Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucun congé n'avait été délivré à Mme Y..., la cour d'appel a violé les textes susvisés ;"

 

Dans cet arrêt, la Cour de Cassation a évoqué les dispositions de l'article 1742 du Code Civil applicables nonobstant l'article 5 de la loi de 1948 telle que résultant de la loi en vigueur du 23 décembre 1986 au 16 juillet 2006.

 

 

3) LA VERSION RESULTANT DE L'ARTICLE 85 DE LA LOI DU 16 JUILLET 2006

 

L'article 85 de la loi du 16 juillet 2006 a modifié l'article 5 de la loi du 2 septembre 1948. Cette troisième version de l'article 5 dispose :

 

"I. - Le bénéfice du maintien dans les lieux pour les locaux visés à l'article premier appartient, en cas d'abandon de domicile ou de décès de l'occupant de bonne foi, au conjoint ou au partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité, et lorsqu'ils vivaient effectivement avec lui depuis plus d'un an, aux ascendants, aux personnes handicapées visées au 2° de l'article 27 ainsi que, jusqu'à leur majorité, aux enfants mineurs.

 I bis. - Nonobstant les dispositions de l'article 1742 du code civil, même en l'absence de délivrance d'un congé au locataire, le contrat de location est résilié de plein droit par le décès du locataire. Le contrat de bail est également résilié de plein droit en cas d'abandon du domicile par le locataire, même en l'absence de délivrance d'un congé.

Toutefois, le bénéfice du maintien dans les lieux appartient aux personnes visées au I du présent article.

 II. - Nonobstant les dispositions du I ci-dessus, le maintien dans les lieux reste acquis aux personnes qui en bénéficiaient antérieurement à la publication de la présente loi."

 

Ce texte vise, là encore, expressément sa non rétroactivité. Il en résulte qu'il n'est pas applicable aux décès des occupants ou locataires survenus avant son entrée en vigueur, le régime applicable étant les dispositions en vigueur au moment du décès.

 

Il ressort, par ailleurs, de ce texte, que les descendants majeurs, outre le fait qu'ils ne peuvent plus invoquer, comme sous l'empire de la loi précédente, le bénéfice du maintien dans les lieux, ne peuvent plus non plus se prévaloir, si leur auteur disposait d'un bail, de la transmission de ce bail. La loi nouvelle exclut, en effet, l'application de l'article 1742 aux situations juridiques nées à compter de son entrée en vigueur.

 

 

4) CONCLUSION : L'ELEMENT DETERMINANT LE DROIT APPLICABLE EST LA DATE DU DECES DE L'OCCUPANT OU DU LOCATAIRE

 C'est donc la date du décès de l'occupant ou du locataire qui détermine les droits des descendants établissant avoir vécu plus d'un an avec leur auteur, avant le décès de celui-ci.

 

Maître Dominique Ponté

Avocat au Barreau de Paris

 

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